samedi 22 janvier 2011

20. Peter Reid: pose du pied



Après Allen et Scott, la série des super coureurs triathlètes continue en la personne de Peter Reid, triathlète canadien (vainqueur trois fois de l'Ironman d'Hawaï avec un meilleur temps marathon de 2h46 sur cette épreuve (2004)).

Peter Reid était connu pour avoir une foulée d'apparence un peu "robotique". C'était avant tout une foulée extrêmement efficace et économique ! Sa position des bras assez basse n'est pas sans rappeler un autre très récent vainqueur d'Hawaï.

Voici juste un petit extrait vidéo de sa pose de pied: plein pied sans attaque du talon avec une arrivée très parallèle au sol et juste ce qu'il faut de dépassement du pied devant l'aplomb de la rotule :


Vitesse légèrement ralentie :


Fort ralenti :

lundi 17 janvier 2011

19. Analyse d'une foulée: Dave Scott


Dave Scott est un triathlète exceptionnel qui gagna l'Ironman d'Hawaï 6 fois (bio ICI). En dépit d'une foulée à l'apparence pas très conformiste pour le moins, il fut capable de courir sur Ironman des marathons très rapides dont le meilleur en 2h41 en 1989, la course dont les images de ce post sont extraites. (Merci au site Triclair.com d'avoir mis cette vidéo en ligne: lien ICI). Vous pouvez visionner un extrait ICI sur youtube.

A l'âge "cannonique" de 42 ans, il finit cinquième à l'Ironman d'Hawai avec un marathon en 2h45, tout cela en dépit d'une posture en course à pied que beaucoup (lui y compris) qualifie d'"horrible".

Comment avec une posture pareille a-t-il pu faire jeu égal avec Mark Allen durant les 42 kms de leur duel épique en 1989 et courir des marathons aussi rapides ? Mark Allen est lui réputé pour avoir une foulée très élégante (cf: http://leplaisirdecourir.blogspot.com/2011/01/16-analyse-dune-foulee-mark-allen.html).

En fait, à y regarder de plus près, Dave Scott avait une foulée extrêmement efficace et sans doute moins traumatisante que celle d'Allen ; cette foulée de Dave Scott n'est pas sans points communs avec des coureurs comme Craig Alexander; Paula Radcliff ou Anton Krupicka (bien qu'elle contienne sans doute certains défauts qu'ont pas les autres coureurs ceux qui rend le foulée plus fluide (je pense à Alexander en particulier).

Ainsi, les caractéristiques de la foulée de Dave Scott sont principalement:
  • une cadence élevée (environ 7 à 8% plus élevée qu'Allen) ;
  • une foulée plus courte qu'Allen (environ 7 à 8% plus courte). Durant cette fameuse course de 1989, ils vont courir côte à côte durant 40 kms, Allen ne s'échappant qu'à près de 2kms de l'arrivée environ ;
  • une pose du pied plus près du centre de gravité qu'Allen:

  • très peu de déroulé du pied: son temps de contact avec le sol est bref ;
  • une levée du pied arrière vers la cuisse importante: bien que Dave Scott ait une foulée plus courte qu'Allen, il est très intéressant de remarquer que son pied arrière remonte aussi haut que celui d'Allen ; la perte d'amplitude n'a pas lieu derrière mais uniquement devant par rapport à Allen.

  • un fémur avant qui dépasse très peu l'aplomb de la rotule: c'est durant cette phase que la foulée de Dave Scott a moins d'amplitude que celle d'Allen. Allen va plus étendre sa jambe devant lui, ce que ne fait pas Dave Scott; cela a pour conséquence qu'Allen attaque plus du talon que Scott et surtout son angle d'attaque par rapport au sol est moins ouvert et le point d'impact est plus près du centre de gravité : on retrouve cette caractéristique dans la foulée d'Alexander et de Radcliff. Il semble, d'après ces images, que Scott court avec des chaussures plus plates ayant moins d'amorti qu'Allen (courant en Nike).


  • une colonne vertébrale bien droite avec une mise en tension du dos (ses épaules sont bien en arrière) : on peut remarquer que sa nuque est plus à la verticale que celle d'Allen: Allen, devant étendre son pied devant lui du fait de sa manière de courir et de l'amplitude de sa foulée, la position globale du corps en équilibre va être très légèrement plus vers l'avant que Scott, ceci pas tant au niveau du bassin (l'angle d'ouverture est très comparable) qu'au niveau de l'alignement tête - colonne vertébrale plus droite pour Scott. Scott a tendance à regarder plus loin devant lui qu'Allen d'ailleurs, l'aplomb de son menton un peu plus en retrait par rapport à son sternum

  • Bien que sa foulée ait moins d'amplitude qu'Allen, on peut noter que l'amplitude de déplacement de leurs épaules est extrêmement comparable. L'angle d'ouverture des bras également. A priori, on aurait été tenter de penser le contraire puisque leur amplitude de foulée est différente or ce n'est pas le cas, il n'y pas de corrélation évidente chez ces deux coureurs entre l'amplitude de la foulée au sol et la translation des épaules et du buste : une interprétation possible de cela est la confirmation du rôle moteur du buste dans la foulée (cf. http://leplaisirdecourir.blogspot.com/2010/12/ou-est-le-moteur.html): ainsi, Allen et Scott utilisent autant leur "moteur" l'un que l'autre.





Conclusion:

Il y a beaucoup d'enseignements à tirer de cette comparaison de styles et la foulée de Scott, en dépit de son allure "canardesque" est extrêmement intéressante :
  • l'un semble être plus économique que l'autre (Scott au contraire d'Allen) mais les deux coureurs courent exactement à la même vitesse et Allen gagne la course au final (avec un temps marathon de 2h40): l'économie de course n'est-elle pas avant tout aussi la résultante de l'entraînement ?
  • la foulée de Scott en apparence chaotique est en fait extrêmement rationnelle et efficace, et se rapproche de la foulée du 3ème type (bien qu'à titre d'exemple, la foulée de Craig Alexander soit nettement plus parfaite je trouve).
  • bien qu'Allen et Scott aient une foulée très différente en apparence, la cause de cette différence tient à un détail: le fait pour Scott de "shinter" l'amplitude avant de sa foulée; de là découle une position légèrement plus droite, une attaque plein pied plus près du centre de gravité, un temps de contact plus court au sol.





18. Réflexions sur la position du buste


Un sujet de controverse sur une bonne posture en course à pied est la position du buste.: doit-il être légèrement penché en avant ou  bien plutôt droit ?

L'argument principal avancé par les "apôtres" du buste légèrement penché en avant est que cela permet au coureur de tirer avantage de la force de gravité. L'idée sous-jacente est qu'en fait, la course à pied consiste avant tout à tomber en avant du fait de la gravité. Personnellement, je suis d'un avis différent, en pensant que cela tient plus à sauter en avant qu'à tomber en avant.

Maintenant, faut-il vraiment chercher à courir ainsi penché en avant ? La réponse n'est pas évidente. Cependant, je vois plusieurs obstacles qui iraient plutôt à l'encontre de ce conseil. 

En effet :

- on peut constater que chez plusieurs excellents coureurs et coureuses (notamment Paula Radcliff, Craig Alexander, Haile Gebreselassie...), tous courent avec un buste droit et adoptent un alignement jambe/colonne vertébrale vraiment en arc au moment de la fin de la poussée du pied : s'ils se penchaient en avant, ils ne pourraient pas réaliser cet arc (déjà décrit dans des posts précédents) ; on peut contre-argumenter qu'ils existent d'autres très bons coureurs qui, eux, courent légèrement penchés en avant (exemples vus sur le site: Longree, Allen...) ;

- garder une certaine antéversion du bassin (cambrure) est plutôt compatible avec un buste droit qu'avec un corps penché vers l'avant ;

- un autre aspect intéressant est la corrélation entre la position du buste et l'angle d'ouverture de la cuisse ; en voici une illustration : le coureur américain Ryan Hall a une foulée très similaire à celle de Haile G., à ceci près que Haile G. se tient plus droit que Ryan :


Or, la position du buste peut avoir une conséquence directe sur l'économie de la foulée. Voici la comparaison de l'angle de levée de la cuisse de H. par rapport à celle de Ryan Hall :

Sur ce premier cliché, on peut constater que H. lève son genou de manière à former un angle de 115° avec son buste :


Sur ce second cliché, on constate que Ryan Hall lui lève son genou avec un angle légèrement plus fermé (107°). Ryan Hall ayant un buste sensiblement plus penché vers l'avant que Haile, il lui faut donc plus plié sa hanche pour amener son genou a peu près à la même hauteur que Haile (proportionnellement au reste de son corps bien sûr). 

On peut constater qu'en effet, les deux coureurs ont une hauteur de genou relativement identique (si l'on prend comme repère leur autre genou par exemple).


Maintenant, si on reprend la première image (Celle de Haile) et on superpose un angle de même grandeur (107°) que celui de Ryan Hall, on constate que le genou de Haile serait alors sensiblement plus haut. En d'autres termes, de part un buste plus redressé, Haile a besoin d'un effort musculaire de plus faible amplitude quand il lève le genou que Ryan. Cela lui demande dès lors moins d'effort que Ryan.


Les coureurs qui courent avec un buste plus droit (Gebre, Craig Alexander) gagneraient donc, à ce point de vue, en économie de course par rapport à des coureurs au buste plus penché.


On peut ajouter que le coureur d'ultradistance Krupica court lui aussi avec le buste droit (voir exemple de sa foulée sur ce blog).

Il n'est sans doute pas possible de tirer de conclusions absolues sur les bienfaits ou non d'une position plus penchée en avant, mais il n'empêche que les meilleurs coureurs sont divisés sur l'application ou non de ce principe.


vendredi 14 janvier 2011

17: Analyse d'une foulée: Paula Radcliff

La foulée de Paula Radcliff dénote largement comparée à celle de ses concurrentes. On parle souvent bien sûr de son dodelinement de la tête comme d'un défaut. Mais ce qui est plus intéressant c'est d'observer les autres éléments de sa foulée, qui font qu'elle est différente de ses concurrentes ; cela apparaît très clairement quand on compare la foulée de Paula (à l'extrême gauche sur les photos) de celles de ses 2 suiveuses, qui elles ont une foulée plus similaire (à l'exception de quelques différences que nous verrons). Ces images sont tirées du marathon de New York.

Sur les 3 premiers clichés, on voit la pose du pied: Paula a un contact au sol avec un pied quasi-parallèle au sol, comparé à ceux deux concurrentes (la brune Goucher et la blonde Petrova) qui toutes deux ont un pied qui attaque plus avec le talon, leur pied étant alors nettement moins parallèle au sol : on peut remarquer qu'au moment de l'impact, la jambe de Paula est plus plié que celle de ses concurrentes : leur tibia est perpendiculaire au sol alors que celui de Paula ne l'est pas.






Concernant le trajet arrière du pied, on voit que Paula lève le pied plus haut vers la cuisse que ses concurrentes. L'intérêt d'un pied placé plus haut au moment de retour de l'arrière vers l'avant est l'énergie que cela induit et qui va ainsi permettre au genou d'aller plus haut avec moins d'effort.

D'ailleurs, s'agissant de la levée du genou, Paula et Goucher, sa concurrente brune, lèvent plus le genou que Petrova, la concurrente blonde, cette dernière ayant une foulée plus rasante : la concurrente brune lève le genou haut en grande partie pour compenser son buste plus penché en avant que Paula et la concurrente blonde qui toutes les deux gardent le buste plutôt droit :


On voit bien sur la photo ci-dessus la différence de hauteur de levée du genou des différentes coureuses ; la concurrente blonde lève peu le genou, la concurrente brune lève son genou à peu près à la même hauteur que celui de Paula mais plus rapidement :



Sur les deux photos suivantes, la différence de placement de la jambe est vraiment frappante entre Paula et ses deux concurrentes: alors que le pied des deux autres concurrentes est déjà passé à l'aplomb du genou avant, Paula a encore son pied très en arrière de son genou : on a clairement l'impression que l'amplitude de la foulée de Paula vient de l'avancée de son bassin et de son genou, alors que l'amplitude de la foulée de ses concurrentes vient avant tout de l'avancée du pied.  Ce mouvement d'avancée du pied de Goucher et Petrova sollicite les muscles du dessus de la cuisse. Paula n'a pas effectué cet effort et mobilise moins ses muscles du dessus de la cuisse. En revanche, le mouvement de Paula sollicite plus les muscles du buste notamment autour de la ceinture abdominale. Les jambes de Paula lui servent avant tout de support à moment de la phase de soutien alors que dans le cas de ses deux concurrentes elles doivent solliciter leurs cuisses et les muscles du dessus du mollet pour allonger leur foulée. L'avis de plusieurs médecins est que cette manière de solliciter les muscles de la jambe (en contraction sur le devant de la jambe) qui a tendance à aller de pair avec l'attaque du talon peut être une réelle source de blessures.

On peut remarquer qu'en dépit d'un trajet du genou différent, la concurrente blonde et la concurrente brune se retrouvent dans une position relativement similaire :



Sur le cliché suivant qui montre la phase précédent le contact au sol, on peut remarquer une différence importante : alors que le pied de Paula ne va presque pas dépasser l'aplomb de la pointe de son genou, le pied avant de ses deux concurrentes est clairement devant l'aplomb de la pointe de leur genou. Craig Alexander a, dans sa foulée, cette même caractéristique que celle de Paula: le pied ne passe devant l'aplomb de la pointe du genou :


La conséquence de cette différence de placement du pied par rapport au genou est principalement la différence d'angle d'attaque du pied au sol tel qu'expliqué au début de ce post : on voit bien sur la photo suivante que la concurrente blonde a un pied pointé vers le haut au moment de l'impact; on voit également que le point d'impact est plus loin du centre de gravité que pour Paula (et qui frôle l'"overstriding") :







jeudi 13 janvier 2011

16. Analyse d'une foulée : Mark Allen


Mark Allen a dominé le monde du triathlon pendant de nombreuses années (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_Allen_(triathl%C3%A8te)

Il a notamment gagné 6 fois le championnat du Monde d'Ironman et fut, à 37 ans, lors de sa dernière victoire à Hawaï, l'un des plus vieux vainqueurs de l'épreuve. Sa longévité ne l'empêcha pas d'être un des meilleurs triathlètes coureurs à pied, courant le marathon sur Ironman dans des temps autour de 2h45. Sur marathon sec, il valait autour de 2h20. 

L'extrait vidéo suivant est tiré du championnat du monde de triathlon courte distance organisé à Avignon en 1989 (C'était le premier championnat du monde organisé sur cette distance).





La foulée de Mark Allen a les caractéristiques d'une foulée en cycle arrière (voir post 11 de ce blog ICI). Elle a beaucoup de similarités avec la foulée de Haile Gebreselassie à quelques différences près.

On note l'antéversion du bassin; on note également une certaine hyper-extension arrière de la colonne vertébrale, qu'on perçoit bien en regardant le positionnement en arrière des épaules (voir photo) ; il y a une réelle mise en tension du dos et de la colonne vertébrale (tout comme le fait Haile Gebreselassie):


Toutefois une particularité intéressante est qu'il court le buste relativement penché en avant (voir photo), alors que Gebre court avec le buste plus droit.


Son attaque du talon très prononcée vient sans doute de ce tronc légèrement penché en avant (voir photo):


Il est probable que s'il courait le buste un peu plus redressé (à l'exemple de Gebre ou Craig Alexander (voir posts précédents)), il aurait une attaque du pied moins sur le talon. C'est d'ailleurs visible sur la photo de Gebre où l'on observe que, du fait d'un équilibre légèrement différent lié à un buste plus droit, le pied de Gebre attaque le sol par le talon mais avec un angle plus réduit. L'impact au sol est donc logiquement moins fort pour Gebre.



La foulée d'Allen a beaucoup d'envergure et l'angle d'ouverture des jambes est important et comparable à celui de Gebre (voir photos ci-dessous):






On peut observer que le point d'impact du pied d'Allen est plus proche de son haut du corps que celui de Gebre. Sur les images, les deux hommes doivent courir sensiblement à la même vitesse (autour de 20 km/h). Cela dit, il faut aussi tenir compte de la différence de taille, Allen étant de plus grande taille que Gebre ; à fréquence égale, ceci oblige Gebre à plus d'amplitude dans son mouvement (pied plus levé derrière et allant chercher plus loin devant)).

Chez Allen, on perçoit bien l'utilisation de la translation horizontale des épaules ; à première vue, on perçoit moins l'utilisation de la translation du bassin mais en y regardant de plus près, on voit la manière dont il utilise sa hanche pour s'aider dans la poussée arrière du pied. Ce mouvement de la hanche vers l'arrière évidemment a comme corrélation un mouvement avant de sa hanche opposée. Cette translation explique en grande partie le fait qu'il oscille très peu verticalement bien qu'il court à une vitesse élevée. On retrouve la même mécanisme chez Gebre d'ailleurs mais accentué du fait d'une foulée encore plus souple et fluide.

Maintenant concernant cette attaque du talon, cette manière de courir, a priori relativement traumatisante, n'a pas empêché Mark Allen d'avoir une carrière très longue et performante.


En conclusion, Mark Allen a:

  • une foulée ample en cycle arrière,
  • une mise en tension du dos (antéversion du bassin et épaules en arrière),
  • une translation horizontale épaules et bassin qui lui donne de l'amplitude horizontale et limite les oscillations verticales,
  • une attaque du talon liée à un buste légèrement penché vers l'avant,
  • un impact du pied devant son centre de gravité.

lundi 10 janvier 2011

15. Analyse d'une foulée : Anton Krupicka (Ultra-marathonien)


Voici une analyse rapide de la foulée d'Anton Krupicka, ultra-marathonien américain professionnel, vainqueur de  plusieurs ultra-marathons dont, à deux reprises, le fameux Leadville 100 (distance de 160 kms). Si vous souhaitez avoir plus d'informations et de détails, je vous renvoie à l'ouvrage que j'ai écrit sur le sujet de la foulée médio-pied : "Courir Léger - Light Feet Running" (éditions ACL).

Evidemment, dans ce genre d'épreuves d'ultra-longue distance, l'économie de la foulée devient primordiale. On peut remarquer plusieurs particularités intéressantes dans sa foulée qui est, en effet, particulièrement économique :

1) buste droit, et non penché en avant et extension de la hanche:

On peut voir sur la photo qu'au moment de l'extension arrière de sa jambe, son menton est à l'aplomb de son sternum. On retrouve cette position chez le triathlète Craig Alexander (double champion de l'Ironman d'Hawaï) et bien que sa vitesse soit réduite (il doit sans courir sous les 12 km/h sur ces extraits vidéos), on retrouve un certain arc au moment l'envol. 

Le fait de garder ainsi le buste droit contredit beaucoup des recommandations qu'on entend par ci par là de courir légèrement penché en avant, alors que cela permettrait soit disant au coureur de mieux tirer parti de la force de gravité. C'est d'autant plus étonnant que Krupicka, en tant qu'ultra marathonien, aurait tout intérêt à utiliser la gravité, force gratuite s'il en est. 

L'explication me semble être que courir, même un peu penché en avant, a tendance à favoriser l'attaque par le talon (difficilement compatible avec le fait de courir 15h d'affilée comme le fait Krupicka) et limite l'utilisation des forces du haut du corps (référence notamment au Moteur Vertébral déjà évoqué sur ce blog: http://leplaisirdecourir.blogspot.com/2010/12/ou-est-le-moteur.html).


On remarque sur la photo suivante qu'en dépit d'une allure assez tranquille, Anton a plutôt une très bonne ouverture de la hanche (extension vers l'arrière). Cela donne une bonne amplitude à sa foulée, en dépit du fait qu'il ne va pas chercher devant avec sa jambe. L'amplitude se fait avant tout grâce à la chaîne musculaire fessiers + ischio-jambiers.




2) travail du haut du corps (translation horizontale des épaules et du bassin) :

Des travaux scientifiques, en particulier ceux du Prof Gratocesky sur le moteur vertébral, ont mis en évidence l'important du rôle du tronc dans la course à pied (et même la marche). Prendre conscience de l'importance du tronc dans la course est fondamental car c'est tout un ensemble musculaire très important qui va aider à générer le mouvement. C'est ce que fait Anton.  



En déplacant ses épaules et son bassin plutôt sur un plan horizontal, il limite aussi beaucoup les déplacements verticaux (ce qui participe à augmenter l'économie de sa foulée). On voit sur la photo ci-dessus la manière dont il amène sa hanche gauche devant l'aplomb de son épaule gauche.

3) attaque du pied presque parallèle au sol avec une poulaine particulière : sur le ralenti suivant, on constate que l'impact au sol se fait presque à l'aplomb de son bassin avec un pied qui arrive très parallèlement au sol. Cela réduit la force d'impact. Ce coureur est d'ailleurs un fervent avocat de la course avec des chaussures minimalistes (très légères et souples avec très peu d'amorti). C'est un coureur d'ultra-endurance et pourtant il ne pratique pas du tout une foulée rasante avec attaque du talon (type de foulée dont on entend beaucoup dire qu'elle serait la plus économique). Anton en est exactement l'exemple contraire.



Pour réussir cette pose de pied tout en ayant une foulée économique, Anton adopte un trajet du pied particulier (poulaine) afin de ne pas avoir à lever les genoux (contrairement à une foulée en cycle avant classique - dirons-nous).

Au final, la foulée extrêmement économique de Krupicka se caractérise par :
- le buste redressé,
- un rôle moteur du haut du corps,
- le minimum de mouvements parasites (très peu d'oscillations verticales),
- une attaque du pied quasi parallèle au sol avec peu de force d'impact avec un trajet du pied optimisé pour garder une foulée économique.

(pour plus d'infos sur la mise en pratique de ce type de foulée, je vous renvoie à mon ouvrage : "Courir Léger - Light Feet Running", première méthode de mise en pratique de la foulée médio-pied..

 
(lien vers la vidéo complète: http://www.youtube.com/watch?v=bicmp2yyrFk)

jeudi 6 janvier 2011

14. Analyse d'une foulée : Max Longree (triathlète longue distance)

Voici une vidéo au ralenti de Max Longree (excellent coureur à pied avec des temps de moins de 2h50 sur marathon ironman) :



On peut remarquer plusieurs choses:

- un bassin relativement fixe: il a peu d'amplitude horizontale au niveau du bassin ;

- comme le bassin est fixe, les épaules bougent assez peu sur le plan horizontal mais plutôt sur un plan vertical (ce qui n'a pas grand intérêt car cela augmente les oscillations du corps de haut en bas plutôt que d'arrière en avant)  ;

- une attaque au sol avec le talon (c'est d'autant plus dommage qu'il semble courir avec des chaussures légères avec très peu d'amorti du talon..aie !) ;

- une attaque au sol clairement devant le centre de gravité ;

- un buste légèrement penché en avant. Son bassin est en antéversion mais au contraire de Craig Alexander, son dos forme moins un arc mais penche plutôt en avant. Il a les épaules moins en arrière que Craig: c'est visible sur les deux clichés où j'ai tracé la verticale du menton de chaque coureur au moment de l'extension de la jambe arrière : pour Craig, cette ligne est exactement à l'aplomb de son sternum alors que, pour Max Longree, cette ligne passe plusieurs centimètres devant son torse :






L'arc du dos est encore plus prononcé sur la photo suivante: la verticale du menton est derrière le sternum à cet instant de la foulée où la jambe arrière est en extension:




- le fait que Max Longree soit plus penché en avant que Craig (on retrouve cela aussi chez Lieto http://leplaisirdecourir.blogspot.com/2010/12/comparaison-de-styles.html), à mon avis, fait que l'amplitude de sa foulée en avant est plus limitée ;

- si on ajoute à cela un bassin fixe et un tronc avec peu de translation horizontale, cela l'empêche de réaliser complètement le cycle (cf. http://leplaisirdecourir.blogspot.com/2010/12/6-la-mise-en-pratique.htmlqui évite une attaque du talon et qui consiste à n'attaquer le sol qu'au moment du recul du genou avec un impact près du centre de gravité (ce que fait très bien Alexander).

Ces légères différences ne l'empêchent d'être un excellent coureur à pied.


Sur son blog, il a posté une vidéo où on le voit courir torse nu: on constate bien l'antéversion du bassin,  la passivité de la sangle abdominale et on entend parfaitement l'impact des talons sur le bitume: http://maxlongree.blogspot.com/2010/08/last-run-before-race-day-loo.html