lundi 11 mai 2015

85. La foulée talon plus économique que la foulée médio-pied ?

Un bon nombre de blogs et de sites ont relayé les conclusions de l'étude de Gruber et Umberger récemment parue sur les conséquences de la pose du pied sur l'économie de la foulée, avec, de manière générale, un titre plutôt affirmatif: du genre: "la foulée talon est plus économique que la foulée médio-pied".

Pour ceux qui veulent consulter cette étude (en anglais); voici le lien: ICI : "Economy and rate of carbohydrate oxidation during running with rearfoot and forefoot strike patterns", , , Published 15 July 2013.

Le sujet de fond est que faut-il entendre par "économie de course" ? Si on cherche à comparer les conséquences des techniques de foulée sur l'économie de course, il faut d'abord être précis et d'accord sur ce qu'il faut entendre par cette notion d'économie de course, le "Graal" des coureurs d'endurance !

L'étude en question limite la notion d'économie de course à la consommation d'oxygène. Or on peut objecter que rien ne démontre que ce critère soit pertinent, et surtout qu'à lui seul, il puisse permettre réellement de mesurer l'économie de course.

Le livre très récent de l'entraîneur américain Steve Magness intitulé "The Science of Running" explique en détails que la mesure de l'économie de course ne peut se résumer à la seule consommation d'oxygène. C'est une notion beaucoup plus complexe.

Magness cite plusieurs exemples qui viennent le démontrer: notamment:

- une étude menée sur des cyclistes et qui avait démontré, sur la base de la seule consommation d'oxygène qu'une faible cadence de pédalage augmentait l'économie de pédalage ; pourtant, on peut constater aisément que les cyclistes professionnels pédalent tous à des cadences élevées. Face à cette contradiction, les chercheurs, plutôt que de conseiller aux pros de baisser leur cadence, avaient reconsidéré leurs critères pour définir l'économie du pédalage et aboutir à l'idée que c'est le coût énergétique qui est beaucoup plus révélateur de l'économie du pédalage que la simple consommation d'oxygène et que tout compte fait, il faut mieux pédaler à haute cadence.

- une autre étude dans le domaine de course à pied avait montré que les coureurs qui réduisent leur taux d'oscillation verticale (en suivant les recommandations de la méthode américaine "Pose") voyaient leur économie de course se détériorer. Cette étude va à contre-sens de l'idée selon laquelle moins le coureur oscille verticalement, plus il est économique; elle viendrait donc plutôt montrer que le coureur qui oscille verticalement (dans une certaine mesure) est plus économique.

Si on reprend le protocole de l'étude de Gruber et Umberger en faisant courir une personne médio-pied pendant plusieurs minutes pour ensuite lui demander de passer sur une foulée talon, il se peut très bien que ce changement de biomécanique entraîne un certain relâchement musculaire de sa part (comme le dit l'étude: augmentation du temps de contact au sol, baisse de la cadence, légère augmentation de la longueur de la foulée) qui, lui même entraîne une légère baisse de sa fréquence cardiaque mesurée sur quelques minutes. Mais cela veut-il dire pour autant que le coureur devienne réellement plus économique ? et sur quelle durée ? Est-ce que sa fréquence cardiaque ne va pas réaugmenter ? Ne va-t-il pas être plus fatigué ? Avoir plus de douleurs articulaires ? Autant de questions que l'étude ne traite pas en se limitant à l'enregistrement de la fréquence cardiaque pendant quelques minutes. Autre point : l'étude commence en disant qu'à la même vitesse, tous les coureurs de l'étude (quelque soit leur foulée) ont la même consommation d'oxygène mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils ont tous exactement la même performance en termes d'économie de course. On ne peut donc pas assimiler totalement consommation d'oxygène et économie de course.

Il y aurait énormément d'autres choses à évoquer sur ce sujet si vaste qu'est la biomécanique et l'économie de la foulée. En particulier, ce qu'il faut entendre par "foulée talon" ; j'ai déjà expliqué dans ce blog que cette expression recouvrait deux réalités bien différentes: la "pose talon" et la franche "attaque talon" qui n'ont pas du tout les mêmes conséquences sur la foulée : on ne peut se limiter à distinguer les foulées sur le seul facteur de la zone du pied qui rentre en contact avec le sol en premier: en effet, la biomécanique de la foulée ne se résume pas à cela et cette zone du pied n'est que le "haut de l'iceberg" de la foulée. On peut observer chez des coureurs très rapides une première entrée en contact, un effleurement, avec le talon mais, pour autant, leur biomécanique est globalement beaucoup plus proche de la foulée médio-pied que des talonneurs. Là encore, la définition de chaque terme est très importante.

Comme il faut conclure ce billet, je dirais qu'on ne peut pas rejeter cette étude de Gruber et Umberger sur l'effet de la technique de la foulée sur l'économie de course mais la question de l'économie de course est une question particulièrement complexe, sur laquelle il est impossible de tirer des conclusions hâtives. Une chose est certaine à ce sujet : nous manquons encore clairement de données suffisantes pour être affirmatif. 

Bon LFR !



dimanche 3 mai 2015

84. Tenue du premier atelier-conférence "Courir léger - Light Feet Running" à Paris


Le 2 mai s'est tenu le premier atelier-conférence LFR à Paris.

J'était très heureux de cet atelier "Courir léger - Light Feet Running" d'hier avec des participants très sympathiques et de grande qualité. 

Au total, presque 3 heures de conseils théoriques et pratiques et des séquences filmées avant et après. 

En un laps de temps si réduit, de bonnes bases ont été posées ; c'était très frappant à écouter les foulées légères de chacun sur les derniers tours de piste. 

Pour les personnes que cela intéresse, les ateliers continueront de se tenir les samedis de mai et juin à Paris. 

Pour s'inscrire, me contacter par email: afbra@hotmail.com

vendredi 1 mai 2015

83. Pose du pied plus ou moins près du bassin: une affaire de compromis

En matière de foulée médio-pied, on conseille de plutôt poser le pied près de l'aplomb de son bassin. C'est d'ailleurs ce que je recommande dans mon livre "Courir léger - Light Feet Running".

Certains observateurs avisés m'ont fait remarquer que les meilleurs coureurs d'endurance ne posent pas, le plus souvent, leur pied juste à l'aplomb du bassin mais plutôt légèrement devant. 

Pour essayer de comprendre la problématique, il faut chercher à comprendre les effets induits par l'endroit où se pose le pied par rapport au bassin.

Une pose très à l'aplomb du bassin va aider le coureur à:
- réduire ses oscillations verticales,
- réduire son temps de contact du pied au sol,
- réduire la déccélération de son pied lors du contact avec le sol,
- augmenter sa fréquence de foulée,
- mieux tirer parti de l'énergie élastique.

En revanche, une pose près de l'aplomb du bassin peut réduire l'amplitude de la foulée, principalement parce que le coureur va moins osciller verticalement. Cela peut paraître contradictoire car, de manière générale, on conseille justement au coureur de réduire ses oscillations verticales mais un peu d'oscillation verticale peut allonger la distance parcourue à chaque foulée.

Pour saisir l'enjeu biomécanique de la question, il suffit d'observer la technique des sauteurs en longueur (comme sur cette vidéo au ralenti):



On peut constater sur ces images que:

- durant leur course d'élan, les sauteurs posent, comme en sprint, leur pied quasiment sous leur bassin. Ils cherchent à courir le plus vite possible dans leur course d'élan ; pour cela, ils cherchent à tirer les bénéfices que je viens de rappeler au sujet d'une pose de pied sous le bassin.

- en revanche, au moment de l'appel (la dernière foulée avant le saut), ils avancent leur pose de pied plus loin devant leur bassin : cela leur permet de prendre de l'envol, de donner un angle vertical à leur bassin et de décoller vers le haut. Si le coureur posait son pied à l'aplomb de son bassin, sur cette dernière foulée, il décollerait beaucoup moins.

En conclusion, si vous êtes dans une quête d'optimisation de votre performance, vous devez chercher à trouver le meilleur compromis pour conjuguer à la fois une bonne fréquence de foulée, une faible décélération du pied mais un peu d'oscillation verticale pour allonger votre foulée. Pour faire cela, il peut être intéressant d'avancer un peu la pose de votre pied devant votre bassin. Je vous conseillerai de "jouer" sur ce paramètre et voir votre ressenti. 

Si, en revanche, vous cherchez une foulée avant tout économique et peu propice aux blessures, continuer à poser le pied près de l'aplomb reste, de mon point vue, la meilleure solution.

Happy LFR !

PS: cet article s'adresse aux coureurs médio-pied et en particulier à ceux qui ont choisi d'appliquer les conseils de mon livre. Aussi, même si le coureur décide de poser le pied plus devant lui, il n'en reste pas moins qu'il doit le faire avec le genou fléchi et son pied respectant la poulaine LFR conseillée dans le livre.