jeudi 23 mai 2013

45. la foulée d'une "petite gazelle", Cait Snow

La triathlete Cait Snow est réputée pour sa vitesse en course à pied et ses excellents temps sur marathon (le plus souvent inférieurs à 3h durant un Ironman).

Dernièrement, j'ai eu une discussion avec un entraîneur, qui a cherché à classifier les coureurs en deux catégories différentes suivant leur technique en course à pied: les glisseurs (gliders) et les gazelles (voir l'article de trimes.org sur le sujet).

Et, selon cet entraîneur, Cait Snow devrait être classée comme une glisseuse et non pas une gazelle.

En fait, si l'on suit l'analyse de cet entraîneur, on peut rapprocher ces deux catégories de deux autres catégories très souvent utilisées en course à pied: les coureurs qui ont une attaque du talon et les coureurs ayant une foulée médio-pied.

En effet, si l'on regarde les exemples de glisseurs, on peut constater qu'ils ont presque tous les caractéristiques suivantes:
- attaque du talon, parfois même avec le pied formant un angle de 45% avec le sol,
- peu de levée arrière du pied,
- peu de déplacement vertical,
- une pose du pied devant le centre de gravité parfois même avec la jambe tendue ou presque,
- une recherche d'amplitude plus vers l'avant avec un pied qui va dépasser largement l'aplomb du genou.

En revanche, les gazelles ont eux les caractéristiques suivantes dans leur grande majorité:
- une touche au sol du milieu du pied, avec le pied formant un angle très faible avec le sol,
- une levée arrière du pied significative,
- un peu plus de déplacement vertical que les glisseurs,
- une pose du pied proche du centre de gravité avec le genou fléchi,
- une plus grande sollicitation des fessiers et des ischio-jambiers que les glisseurs.

Bien entendu, chaque coureur possède ces caractères plus ou moins prononcés mais globalement on peut considérer que ces caractères sont plus partagés par un groupe que l'autre, ce qui justifie cette classification et la rend intéressante.

Maintenant où se place Cait Snow par rapport à ces catégories ? Comme je l'ai dit, cet entraîneur affirme que Cait Snow est une glisseuse. Je suis de l'avis contraire, photos à l'appui.

Pour moi, Cait Snow possède beaucoup plus de caractéristiques des gazelles que des gliders ou glisseurs. Mais, sa foulée étant très courte et à très haute fréquence (largement supérieure à 180 foulées par minute), elle peut donner l'impression de ne pas en être.

Voici l'analyse d'une de ses foulées image par image pour s'en convaincre:

Photo 1 :

Cait commence sa foulée: le pied arrière se lève assez haut et le genou est bien fléchi, surtout si l'on considère sa foulée très courte. Le genou se met en position pour initier la bascule vers l'avant, la trajectoire de son genou fléchi aidant à cela :



Photo 2 :

Son corps bascule vers l'avant avec comme point d'appui son pied gauche. On peut voir comment son talon se lève alors que l'avant du pied est encore en contact avec le sol. Le genou droit est lui toujours fléchi alors que son pied droit passe au niveau de son mollet gauche. Le mouvement de bascule est bon.



Photo 3 :

Cait est dans la continuité du mouvement de la photo 2 : le pied gauche bascule (on remarque comment sa semelle se plie, chose totalement naturelle et normale et qui doit inciter le coureur qui court de la sorte à utiliser des chaussures ayant une semelle souple longitudinalement) : son genou commence à se déplier avec le pied droit qui revient vers l'avant. On remarque le travail de propulsion des fessiers et de la hanche (qui est évidemment plus perceptible sur la vidéo et pas sur les images arrêtées) :


Photo 4 :

C'est le seul instant où Cait retrouve une position propre au glisseur: en effet, son pied droit passe largement l'aplomb de son genou alors que sa jambe se tend vers l'avant.

Photo 5 :

Le "glisseur", partant de la position de Cait sur la photo 4, aura tendance à prolonger son allonge vers l'avant avec un pied attaquant le sol du talon et la jambe restant tendue. Or, pour Cait, ce n'est pas du tout le cas: en effet, elle commence à ramener son pied vers l'arrière alors qu'il n'a pas encore touché le sol et son pied n'a quasiment pas d'angle avec le sol ; il est presque parallèle au sol avant de le toucher.


Photo 6 :

Ce n'est qu'à cet instant que Cait touche le sol. La touche se fait réellement milieu de pied avec le genou légèrement fléchi et à un endroit proche de son centre de gravité. On est très loin d'une attaque talon "traditionnelle".


En conclusion, la foulée de Cait Snow est à moins avis beaucoup plus proche en termes biomécaniques de la foulée d'une gazelle que d'une glisseuse. C'est une petite gazelle en quelque sorte, et fichtrement rapide et efficace !

Happy Light Feet Running !

PS: pour ceux qui s'intéressent à la maîtrise de la foulée médio-pied, je les renvoie à mon ouvrage qui contient tous les détails sur sa théorie et sa mise en pratique : Light Feet Running.

samedi 4 mai 2013

44. Au secours, j'attaque du talon !





La tendance est à diaboliser un peu beaucoup, à la folie, (pas du tout....) l'attaque au sol par le talon.

J'en ai déjà parlé dans un billet de ce blog pour arriver à la conclusion qu'il faille relativiser justement ce genre de propos.

Pour mieux comprendre la question de l'attaque au sol par le pied du coureur, il ne faut pas se limiter à un seul paramètre qui serait la partie du pied qui touche le sol en premier.

Au contraire, dans la pose de pied, il y a au moins 4 paramètres tous importants :

- l'endroit ou se pose le pied par rapport au centre de gravité du coureur: il semble clair qu'un large consensus de chercheurs et d'entraîneurs arrive à la conclusion qu'il y a un plus grand risque de blessures quand le coureur vient toucher le sol loin devant son centre de gravité. "Loin" bien sûr est difficile à préciser en centimètres. Il n'empêche qu'un appui au sol proche du bassin du coureur permet de réduire le risque de blessures et aide à mettre en jeu des mécanismes biomécaniques vertueux (réduction de l'effet freinage contre le sol, transfert de masse vers l'avant et mise rapidement en marche des muscles propulseurs de la hanche). 

- la maniere dont la jambe est plus ou moins pliée à l'impact : si la jambe est tendue à l'impact ou quasiment, l'effet d'amortisseur naturel de la jambe va être très limité. Il faut donc plutôt veiller à avoir la jambe légèrement fléchie à l'impact.

- l'angle d'attaque du pied par rapport au sol : avant même de parler de la zone de premier contact du pied avec le sol, il faut considérer l'angle d'attaque au sol. Si le pied se pose presque horizontalement sur le sol, l'effet de frein est alors très réduit. Au contraire, si le pied vient heurter le sol presque à angle droit, alors le coureur a beaucoup plus de chances de considérablement se freiner.

- la première zone du contact du pied : enfin, en dernier paramètre, la zone de contact du pied au sol peut avoir des conséquences ; mais, si par exemple, les trois premiers paramètres que je viens de citer sont correctement satisfaits, alors la question de la zone de contact au sol devient beaucoup plus secondaire et même si le pied vient toucher le sol en premier avec la partie arrière du pied, cela n'aura pas obligatoirement des conséquences très désastreuses sur la foulée. Inversement, si le coureur va chercher loin devant lui la touche au sol avec la jambe tendue, même s'il le fait sur la pointe des pieds, sa foulée sera tout à fait médiocre techniquement.

J'ai posté en haut de ce billet une photo du Dr Cucuzella qui a mis en ligne sur Youtube une vidéo (visualisée par énormément de monde) de sa technique irréprochable en course à pied ; et on peut observer que, bien qu'il possède une foulée tout à fait aérienne, légère et médio-pied, qu'il lui arrive aussi de toucher le sol en premier avec le talon. Comme je l'ai dit, il ne faut pas s'arrêter à ce seul paramètre mais comprendre la foulée dans son ensemble.

Happy Light Feet Running !