mercredi 30 juillet 2014

67. Des approches différentes de la foulée médio-pied et un résultat bien différent

La foulée médio-pied n'est pas quelque chose de codifier, si ce n'est comme son nom l'indique le fait que la pose du pied aura tendance à se faire sur l'avant-pied (et pas sur le talon). Maintenant, le problème est que la biomécanique de la foulée ne se réduit pas à la simple pose de pied et que l'expression médio-pied peut recouvrir différentes foulées.

Pour preuve, voici une comparaison en vidéo.

Sur la première vidéo qui suit, un coureur applique les conseils donnés par le site Good Form Running (sponsorisé par New Balance) pour avoir une foulée médio-pied. Les conseils de ce site sont très simples (et on les retrouve dans beaucoup d'ouvrages et de sites consacrés au barefoot running et à la foulée médio-pied). 

Ces conseils sont au nombre de quatre (voir schéma tiré de leur site):
- se tenir droit,
- se pencher légèrement en avant à partir des chevilles,
- poser son pied sur l'avant-pied,
- appliquer une cadence de foulées de 180 foulées par minute.


Voici le résultat en images:



Sur la seconde vidéo, on voit le coureur Anton Krupicka, justement connu et reconnu pour parfaitement maîtriser la technique médio-pied. J'ai choisi cette vidéo en particulier car Anton ne court pas tellement plus vite que le coureur sur l'autre vidéo.





On ne peut être que frapper par la différence de gestuelle. La foulée sur la première vidéo ne ressemble absolument pas à celle de Krupicka, avant tout du fait du trajet du pied qui est très différent.

la foulée de Krupicka est un très bon exemple de la biomécanique que je détaille et explique dans mon livre. Ces explications intègrent toute une réflexion sur l'utilisation de certains groupes musculaires spécifiques (en particulier les fessiers, abdominaux et ischio-jambiers) qu'on retrouve chez Krupicka (et beaucoup d'autres excellents coureurs) et justement pas dans une approche de la foulée médio-pied, telle que Good Form Running.
 
S. Séhel
Auteur de "Courir léger - Light Feet Running" et "Le Guide du Crawl Moderne"






lundi 7 juillet 2014

66. Résultats de l'étude sur la foulée médio-pied Courir Léger - Light Feet Running (2ème partie)

Voici donc le second volet de l'enquête sur les effets de la foulée médio-pied Light Feet Running; cette fois, il s'agit des résultats des coureurs qui pratiquent la foulée médio-pied depuis moins de six mois (j’appellerai ces coureurs le "groupe B" en opposition au "groupe A" c'est à dire l'échantillon de coureurs qui lui pratiquent cette foulée depuis plus de six mois).

(NDLR: Pour une meilleure compréhension, je dissocie la partie analyse factuelle de l'enquête du commentaire personnel (écrit en italiques). J'indique aussi en rappel les résultats du groupe (A) qui pratique depuis plus de six mois.)

1) Sexe

L'échantillon des 27 lecteurs pratiquant depuis moins de 6 mois était composé de :
- 96,3% : 26 hommes
- 3,7% : 1 femme

La composition du groupe A était très proche:
- 95,3%: 41 hommes
- 4,7%: 2 femmes

2) Age / fréquence d'entraînement / Pratique

Leur tranche d'âge était:
- 36-45 ans = 70,4%
- 25-35 ans = 14,8%
- 46-55 ans = 14,8%
- de 25 ans = 3,7%

La fréquence d'entraînement de ces coureurs était:
- 3 fois par semaine (13 citations)
- 4 fois par semaine (6 citations)
- 1 ou 2 fois par semaine (8 citations)
- 5 fois par semaine (3 citations)

Leur pratique était:
- triathlon (14 citations)
- course sur route (12 citations)
- trail (8 citations)
- ultra-trail (2 citations)
- ultra-marathon (1 citations)

La répartition de l'expérience des coureurs en médio-pied était la suivante:
- 74%  entre 3 et 6 mois
- 18,5% entre 2 à 3 mois
- 3,7% moins de 2 mois.

3) Les conséquences de la foulée médio-pied sur la performance chronométrique

44% des coureurs disent avoir subi un léger mieux et courir légèrement plus vite.
28% des coureurs disent avoir connu une réelle amélioration de leur performance chronométrique.
16% des coureurs disent ne pas avoir amélioré leur chrono.
12% des coureurs disent avoir régressé en termes chronométriques.

Par rapport au groupe A, le pourcentage global d'amélioration est similaire; simplement dans cet échantillon B, moins de coureurs ont répondu avoir ressenti une réelle amélioration et plus on répondu avoir connu un léger mieux. Cela semble dire que plus on pratique cette foulée et plus on augmente ses chances d'améliorer son chrono ou, tout au moins que l'inverse n'est pas vrai (c'est à dire que la foulée médio-pied ne fait pas perdre en performances chronométriques). 

Dans l'échantillon A, 3/4 des coureurs avaient répondu avoir amélioré leur chrono à la suite de la mise en pratique de la foulée médio-pied. Dans cet échantillon B, c'est 72% (soit un taux assez identique).

4) La mise en oeuvre de la foulée médio-pied et les blessures

46% des coureurs répondent qu'ils ne se sont pas blessés après avoir mis en oeuvre la foulée médio-pied.

Ce taux n'est pas très cohérent avec l'échantillon A dont le taux de blessure est moins élevé. Le fait que moins de coureurs se blessent après 6 mois qu'avant 6 mois n'est pas logique: en fait, ce taux devrait logiquement augmenté si l'on considère que c'est la pratique de la course à pied dans son ensemble qui peut générer des blessures. On peut aussi interpréter cette apparente contradiction par le fait qu'une fois une certaine période d'adaptation passée, la foulée médio-pied devient une pratique moins à risque de blessures que dans le cas d'une foulée plus répandue (du type attaque talon). Mais sur ce point, je pense qu'il faudrait faire une nouvelle enquête plus fine et plus spécifique.

Les blessures les plus citées sont les suivantes lors de la mise en oeuvre de la foulée médio-pied:
- pied: 5 citations (et en grande partie par des coureurs portant des VFF ou courant pieds nus)
- cheville: 3 citations
- genou: 5 citations
- hanche : 1 citation
- bas du dos : 5 citations
- mollet : 1 citation

L'échantillon A avait cité avant tout les blessures au pied et aucune blessure au bas du dos. Le nombre de blessures au genou était comparable. Je n'ai pas d'explications particulières sur cette question du bas du dos. Est-ce parce que le coureur n'a pas encore un bon amorti naturel du pied durant les premiers mois de sa transition vers la foulée médio-pied ? Est-ce parce que le corps doit se renforcer dans cette partie ? Est-ce une question de souplesse lombaire ? Je n'ai pas d'explications à fournir. Il semblerait toutefois que ces problèmes de bas du dos s'estompent au vu des réponses de l'échantillon A. Ils seraient donc liés à la transition et non à la pratique de la foulée médio-pied.

Maintenant concernant l'effet de la foulée médio-pied sur la correction des blessures, on constate que seulement 4 coureurs disent que leurs blessures ne se sont pas résolues. 
Les blessures résolues grâce à la foulée médio-pied sont:
- genou: 8 citations
- arrêt du port de semelles orthopédiques: 4 citations
- pied: 5 citations
- cheville: 3 citations

Les effets bénéfiques sont donc ressentis avant une période de six mois de transition.
Concernant l'effet de la foulée médio-pied sur les mollets (il y avait plusieurs réponses possibles):
- 8 coureurs disent qu'ils n'ont pas vraiment connu ce genre de problèmes
- 13 coureurs répondent qu'au début ils ont un peu connu ce problème mais qu'il a vite disparu
- 5 coureurs répondent qu'ils se sont blessés dans cette partie du corps et/ou qu'ils ont des problèmes récurrents dans cette partie du corps. 

5) Les effets sur le physique du coureur:

20 coureurs sur 27 ont répondu qu'ils ont constaté des effets sur leur physique à la suite de la mise en oeuvre de la foulée médio-pied.

Ces effets sont (dans l'ordre du plus au moins cité):
- changement d'usure des chaussures (10 citations)
- musculation des mollets (5 citations)
- musculation des pieds (5 citations)
- musculation des fessiers (8 citations)
- musculation des abdominaux (4 citations)

7 coureurs sur les 27 coureurs disent ne pas avoir perçu d'effets sur leur physique (et en majorité, il s'agit des coureurs qui disent utiliser des chaussures de plus de 250gr). Il n'était que 4 à repondre ainsi dans l'échantillon A.

Cela semble indiquer que les effets sont ressentis relativement vite et avant une période de six mois de cette pratique médio-pied. A noter que l'échantillon A avait logiquement cité de manière plus majoritaire des modifications du type corporel (au delà de la simple usure de la semelle de la chaussure).

6) l'effet sur le plaisir de courir:

24 sur 27 coureurs ont répondu qu'ils ont amélioré leur sensation de plaisir à courir avec la foulée médio-pied. 3 coureurs ont répondu non.

Dans l'échantillon A, 42 coureurs avaient répondu oui et seulement un coureur avait répondu non.

Cela confirme que les effets de la transition sont ressentis bien avant 6 mois de transition.

7) l'application des conseils du livre:

69,2% disent appliquer la plus grand partie des conseils du livre.
30,8% disent appliquer une partie des conseils du livre.
Aucun coureur n'a répondu ne pas appliquer les conseils du livre.

8) l'alternance avec une autre foulée

26,7% des coureurs disent ne plus pratiquer une foulée autre que la foulée médio-pied (ils sont 67,4% dans l'échantillon A). 20% disent alterner (ces réponses viennent en particulier des traileurs).

53,3% répondent ne pas encore maîtriser la foulée médio-pied. 

9) la maîtrise de la foulée médio-pied:

53,3% de l'échantillon dit qu'ils ne pensent pas bien maîtriser la foulée médio-pied. Je rappelle que la moitié de l'échantillon est composé de coureurs qui ont pratiqué la foulée médio-pied depuis mois de 6 mois. La quasi-totalité des coureurs qui pratiquent cette foulée depuis plus de 6 mois avait répondu qu'ils la maîtrisaient.

Ces réponses vont de le sens de la nécessité d'une période de transition qu'on peut estimer - sur la base de 3 sorties par semaine - à généralement moins de six mois (bien entendu, cela peut varier d'un coureur à l'autre).

77% des coureurs ne sont pas filmés pour observer leur foulée et 33% des coureurs se sont filmés pour observer leur foulée.

10) le type de chaussures utilisées

Voici l'ordre de citations des chaussures par les coureurs:
- chaussures légères (entre 150gr et 250 gr): 20 citations
- chaussures traditionnelles (+ de 250gr) : 10 citations
- chaussures minimalistes (moins de 150gr): 1 citations
- VFF ou équivalent : 5 citations
- pieds nus: 1 citations

Les coureurs utilisent donc avant tout des chaussures légères mais un certain nombre assez important continue d'utiliser des chaussures traditionnelles. La raison est probablement que 25% de ces coureurs sont encore en début de transition (moins de 3 mois).

11) le drop utilisé

Voici l'ordre de citations du drop des chaussures utilisées:
-  de 4 à 6mm: 12 citations
- de 0 à 4mm: 3 citations
- 0 : 4 citations
- entre 6 et 10mm : 9 citations
- + de 10mm : 0 citation

12) les raisons pour passer à la foulée médio-pied

Les raisons principales pour passer à une foulée médio-pied sont:
- pour optimiser sa foulée (24 citations)
- pour guérir une blessure (14 citations)
- par suggestion des médias (6 citations)
- sur le conseil d'un ami (6 citations)
- sur le conseil d'un professionnel de la santé (1 citation)

Ces chiffres sont très proches de ceux collectés auprès de l'échantillon A qui court depuis plus de six mois (ce qui semble tout à fait cohérent).

Conclusion:

Ces réponses affinent l'analyse de la période de transition vers une foulée médio-pied.

Elles tendent à démontrer que la période de transition n'a pas forcément à être très longue : on est loin des 12 à 24 mois dont on entend parler dans la pratique totalement pieds nus. Cela tient certainement à la protection de la chaussure qui évite de devoir habituer son pied au contact pieds nus contre le sol.
Le fait de passer en médio-pied semble avoir été largement bénéfique pour l'immense majorité de cet échantillon B, donc avant même une période de six mois de pratique.

(article également publié le 7.7.2014 sur Trimes.org)
 
S. Séhel
Auteur de "Courir léger - Light Feet Running" et "Le Guide du Crawl Moderne"

mardi 1 juillet 2014

65. Caitlin Snow, un modèle de foulée en triathlon longue distance

La triathlète Caitlin Snow a encore réalisé hier dimanche une énorme performance sur le marathon de l'IM de NICE (2h52'26").

J'ai déjà parlé de sa foulée en détails sur mon blog. La voici en images sur un autre Ironman en 2012:

vitesse réelle :


(lien vers la vidéo vitesse réelle ici)

au ralenti :


(lien vers la vidéo au ralenti ici)

Tous les lecteurs du livre "Courir léger - Light Feet Running" à l'oeil aiguisé capteront les nombreux éléments biomécaniques que je souligne pour avoir une foulée efficace.

Pour l'immense majorité des triathlètes LD, sa foulée possède au moins 4 caractéristiques dont ils peuvent s'inspirer pour mieux courir sur IM :

- son excellente biomécanique: pose de pied près du centre de gravité, pas d'"overstriding", utilisation de l'effet rebond du sol, bonne posture générale, bon maintien et stabilité du bassin et des épaules lors du soutien (avec un petit bémol peut être concernant ses bras qui sont un peu trop pliés) :

- utilisation du haut du corps pour se propulser, ce qui est évidemment adapté au triathlon compte tenu de la fatigue générée par le vélo ;

- l'utilisation de l'ouverture de la hanche généré avant tout par la mobilisation des muscles fessiers et du tronc et qui repose les quadriceps éreintés par le vélo ;

- une cadence élevée (autour de 190-200) : ce qui lui permet avec une foulée relativement courte et économique de courir sur des bases de 4' au km sur un marathon Ironman. Cette cadence l'aide à limiter considérablement ses oscillations verticales et ses impacts au sol afin d'optimiser son économie de course.

Au final, une foulée hyper efficace, qui pourtant ne paye pas de mine au premier abord pour une athlète au physique plutôt commun (1m60 / 52kgs).

A méditer pour votre prochain IM !

(Ndlr: il y aurait semble-t-il débat sur la réalité des 42,195km à Nice à un kilomètre près)

(article également paru sur trimes.org)