vendredi 21 décembre 2012

38. 2013 : la fin du minimalisme ?


 

Une rumeur frémit sur les blogs consacrés au minimalisme : 2013 sonnerait la fin du minimalisme ! (*)
Il faut dire qu'à la veille du 21 décembre 2012, il est de bon ton d'annoncer la fin de tout, et même du Monde, calendrier maya oblige.

Plus sérieusement, il faut replacer cette interrogation dans son contexte: les équipementiers ont constaté que les ventes de chaussures minimalistes (et surtout en particulier du précurseur en la matière qu'est Vibram) n'explosent pas, voire même sont en déclin. Une petite étude de marché "maison", qui consiste à simplement observer la manière dont sont chaussés tous les coureurs que l'on peut croiser dans nos compétitions, nos villes, nos parcs et nos montagnes tend à confirmer cela: on est loin d'une vague minimaliste qui viendrait envahir le marché du running. Et il est encore extrêmement rare de voir courir des personnes pieds nus ou équipés de Vibram Five Fingers, et ceci en dépit d'une indéniable médiatisation du phénomène "barefoot" en 2012 (via la blogosphère, les journaux spécialisés et les télés).

Maintenant faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ?


Il est utile de rappeler d'où vient cette mode minimaliste et ses tenants et ses aboutissants. Pour simplifier, je dirai qu'elle a principalement deux sources:

- la première vient de certains coureurs amateurs qui rencontraient des blessures récurrentes et qui ont découvert que le fait de ne plus porter de chaussures ou quasiment résolvaient leurs problèmes de blessures: on peut citer le plus célèbre d'entre eux, Christopher McDougall, auteur du best-seller "Born to Run" qui est venu surfer la vague naissante qui existait déjà du minimalisme outre-atlantique vers une diffusion beaucoup plus grand public; cette vogue a eu le bonheur de pouvoir s'appuyer sur les travaux scientifiques du Prof Lieberman dont les recherches ont montré que courir pieds nus aboutissait à considérablement limiter l'onde de choc du coureur au sol (ce qui est - bien que cela ne soit pas absolument scientifiquement établi - l'une des racines de beaucoup de blessures que peut rencontrer le coureur à pied).


- la seconde vient de certains coureurs professionnels qui ont constaté que leur foulée s'adaptait beaucoup mieux aux chaussures souples et légères sans quasiment d'amorti qu'aux chaussures les plus sophistiquées conçues par les équipementiers, et ceci même sur des surfaces rugueuses et pentues comme on peut les rencontrer en trail. On peut citer le coureur de trail Anton Krupicka qui en est le meilleur exemple et qui a conçu avec son sponsor New Balance des chaussures spécifiques dans cet esprit.

Le fait de vouloir courir vite avec des chaussures légères n'a strictement rien de révolutionnaire ou de nouveau, bien au contraire et il suffit de regarder une paire de pointes d'athlétisme pour s'en convaincre. A la base, la chaussure de course était plutôt minimaliste ! Ce n'est que lorsqu'un marché de masse s'est développé que les manufacturiers ont commencé à développer des modèles non minimalistes. On peut citer en premier l'exemple de Nike qui fut l'inventeur de cette semelle "gaufre" (waffle). Ensuite, les équipementiers n'ont fait que développer des chaussures de plus en plus sophistiquées pour répondre aux besoins plus ou moins réels de tous ces joggeurs qui se lançaient dans la course à pied sans avoir préalablement acquis une bonne technique de course. Il y avait donc en fait deux communautés tout à fait distinctes: d'un côté, les joggeurs, non formés en clubs, qui se lançaient dans la course à pied et à qui les équipementiers proposaient des chaussures de plus en plus sophistiquées pour répondre dans une certaine mesure à leur manque de technique et de l'autre côté, les coureurs de clubs, qui eux avec plus ou moins de bonne fortune, couraient avec des chaussures légères en se blessant plus ou moins d'ailleurs. 

En fait, le minimalisme est venu remplir ce vide (car la nature a horreur du vide!) entre ses deux communautés. Il a permis de faire prendre conscience aux joggeurs que la chaussure ne pouvait pas résoudre tous les problèmes et palier l'absence d'un minimum de technique de la foulée et aux coureurs de clubs qu'il existait réellement certaines règles qui permettaient d'encore mieux courir (et de moins se blesser ou de courir plus efficacement). C'est ainsi qu'on a pu observer, d'une part, chez toute une tranche de très bons coureurs un gros travail de remise en cause technique qui prend indubitablement en compte certaines des constatations faites sous l'impulsion du minimalisme, et, d'autre part, une vague de joggeurs qui se sont mis à courir pieds nus et à revendiquer l'absence de blessures (ou quasiment) (ex: Christopher McDougall). 

En 2012, les équipementiers ont commencé à élargir considérablement leur offre de chaussures légères qui répondent à la demande de coureurs qui ne désirent pas courir pieds nus mais qui pourtant ne souhaitent pas revenir vers des chaussures trop sophistiquées, lourdes et à fort amorti. Ces chaussures se caractérisent par leur légèreté, une semelle avant plutôt large laissant de la place aux orteils, un faible drop (voire pas de drop), la souplesse de leur semelle et l'absence (ou quasiment) d'amorti. Suivant les marques, on y trouve des modèles qui répondent plus ou moins à toutes ces caractéristiques. On en reviendrait presque aux chaussures de course de nos aïeux avant les années 80 mais ce serait caricaturer la chose car ces nouveaux modèles de chaussures sont tout de même plus élaborés et mieux conçus.

Il est indéniable que cette mode minimalisme a eu au moins les deux bienfaits suivants :

- elle a permis une vaste prise de conscience qu'il existait un lien très direct entre les blessures et la technique de course et le choix de la chaussure et que le fameux "dogme" selon lequel on ne pouvait pas changer sa foulée était absurde ;
-   elle a permis un élargissement considérable de l'offre de chaussures avec un bon nombre d'améliorations techniques, dans la catégorie des chaussures légères, en allant au delà de ce qu'on appelle couramment les "racing flats".

Toutefois, au total, on en revient dans une large mesure à la situation initiale et c'est peut être bien ce qui risque de sonner le glas du minimalisme : en l'absence de technique de course, les équipementiers avaient développé des modèles à amorti pour répondre à l'engouement des joggeurs. Maintenant, si les joggeurs se mettent à acheter des chaussures sans amorti, que va-t-il se passer? Le taux de blessures ne va-t-il pas s'accroître encore plus? Car, en effet, autant on pouvait soutenir dans une certaine mesure que le fait de courir pieds nus ou quasiment obligeait le coureur à changer sa foulée pour à la fois la raccourcir et ne plus attaquer le sol avec le talon, autant cet argument semble tomber quand on passe aux chaussures légères dont je viens de parler. Il devient donc à mon avis encore plus nécessaire d'acquérir une bonne technique de course pour profiter au mieux du gain qu'offrent ces chaussures légères. De là à dire, que de telles chaussures devraient être vendues avec un mode d'emploi, il n'y a qu'un pas ! Bien sûr, c'est le consommateur qui décidera en dernier ressort !

Il serait tout de même triste et regrettable que la mode du minimalisme aboutisse au final à accroître les blessures alors que son but premier était évidemment le contraire et que, surtout, si bien pratiqué, courir avec des chaussures légères est réellement une pratique en course à pied extrêmement agréable et très intéressante d'un point de vue biomécanique (cf. http://www.lacliniqueducoureur.ca). Il n'y a qu'à interroger ceux qui s'y sont convertis avec succès en appliquant les bons principes de course: jamais ils n'accepteraient de recourir en chaussures lourdes et à fort amorti même si on les payait pour le faire !

Le minimalisme a montré une voie qu'il ne faut surtout pas refermer. Je concluerai donc par un clin d'oeil :"Le minimalisme est mort ! Vive le minimalisme !" 


NDLA (le 5/12/2013) : depuis que j'ai écrit cet article il y a près d'un an, j'ai constaté que certains équipementiers indiquaient maintenant sur leurs boîtes de chaussures légères des conseils pour courir médio-pied. J'ai aussi pu constater que beaucoup de personnes qui changent de chaussures pour des chaussures minimalistes arrivent en effet à courir sur l'avant-pied mais sans pour autant adopter une  bonne technique : j'en ai d'ailleurs mis un exemple sur mon blog: http://leplaisirdecourir.blogspot.fr/2013/09/47-analyse-et-correction-dune-foulee.html

(*)  http://www.runblogger.com/2012/12/the-future-of-minimalist-running-shoes.html
   http://runners.fr/le-minimalisme-c-est-fini/

www.leplaisirdecourir.blogspot.com - Billet également publié sur www.trimes.org

5 commentaires:

  1. La stagnation est du à un manque d'information, car les coureurs qui utilisent leurs Vibram FiveFingers continue de les utiliser. La communauté médicale soutient de plus en plus cette pratique. Je pense qu'il y a un marché dans lequel les 2 communautés (coureur amortie ou non) peuvent très bien cohabité. Le minimalisme revient depuis seulement une 10ène d'années et doit se faire connaitre dans un monde dominé par des grosses sociétés ayant de moyen budgétaire immense. Il est donc compliqué pour lui de se faire une place. Diffuser de l'information permettra de limiter les blessures en cas de conversion et permettra de faire connaitre et donc multiplier les adeptes du minimalisme.

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  2. Bonjour,

    Est-ce que quelqu'un sait où on peut acheter les New Balance ?
    J'aimerai bien les acquérir mais je ne trouve que des magasins en ligne qui livrent aux US...

    Merci et bonne càp !

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    1. sur www.i-run.fr ou .be
      On trouve de tout en minimaliste

      Je cours avec de New Balance Minimus 0 sur route et des Saucony Kinvara TR avec 4 mm de drop entre l'avant et l'arrière pour les trail... Vive le minimalisme, plus de tendinite en 1 an d'utilisation et un amélioration dans ma posture et mes chronos :-)

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  3. Essayez peut etre sur des sites internet à l'étranger: par exemple: www.wiggle.co.uk/

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  4. Je découvre votre site aujourd'hui et le trouve très intéressant.
    Cet article m'interpelle, parce que je cours pieds nus depuis 5 ans. Parfois des VFF quand le sol est trop pourri, sur les tapis de course, ou s'il y a du gel. Et vous avez raison, on croise peu de monde en minimaliste, et je n'ai jamais croisé personne pieds nus. J'en connais, mais par les réseaux sociaux.
    Pour qu'il y ait une croissance importante de la pratique, il va falloir que les vendeurs de matériels acceptent, connaissent et conseillent. Il va falloir aussi que le milieu médical connaisse et puisse en parler autrement qu'avec la théorie. Et c'est rare.
    Mais ça arrive. J'ai passé une épreuve d'effort il y a peu, et non seulement le cardiologue a pris ça très bien (que je soit en VFF), mais en plus je l'entendais commenter ma foulée et expliquer à son assistante pourquoi je courrais comme ça.

    Mais qu'est-ce qu'on est bien pieds nus ;-)

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